«La terre, ma surface préférée» - Monte-Carlo 2009

Publié le par Françoise

«Gilles Simon, en début de saison, vous annonciez souhaiter «oser plus». Où en êtes-vous dans cette évolution de votre jeu ?
C'est assez difficile à mettre en place, plus que ce que je l'aurais pensé. Avec mon classement, j'ai eu la sensation en début de saison que chaque tournoi était vraiment important si je voulais continuer à progresser. Finalement, donner autant d'importance à chaque tournoi ne m'a pas du tout aidé à me décomplexer et à frapper un peu plus fort. Maintenant, il y a des moments où c'était quand même bien, par exemple contre Hewitt ou Schüttler. Il faut surtout que j'arrive à cadrer mon jeu. A certains moments, je frappe fort mais je ne fais pas plus de points gagnants qu'en jouant en contre. Il faut arriver à trouver un juste équilibre.
Vous dites que tous les tournois étaient importants. Pourtant en début de saison, vous disiez vous concentrer uniquement sur les Grands Chelems et les Masters 1000. Est-ce que cette stratégie n'a pas eu un effet contre-productif ?
Je ne pense pas avoir perdu plus de matches à cause de ça. Sur le début de saison, j'avais un programme assez chargé. Jusqu'à l'Australian Open où j'atteins les quarts de finale, c'était bien. Par la suite, j'étais en manque de repères et de sensations, mais j'arrive encore à me glisser jusqu'en demies à Marseille et à Dubaï. Je ne suis pas en manque de victoires, je ne suis pas pleinement confiant dans mon jeu, mais cela allait plutôt bien. J'ai connu un passage un peu plus dur avec trois défaites qui m'ont fait mal : la défaite contre Djokovic (Ndlr : défaite 3-6, 7-5, 7-5 à Dubaï en demi-finale) où je peux vraiment gagner ce match. Cela peut être important. Si je gagne le tournoi, ce n'est pas pareil, c'est pas mal de points. Puis il y a eu les deux défaites en Coupe Davis. Mais je sais qu'il existe des passages durs. Dans une saison, on joue rarement bien dans tous les tournois. Je trouve que, dans cette période où je ne jouais pas si bien, je m'en suis plutôt bien sorti.
Finalement les tournois 500 sont plus importants que prévus ?
Les 500 sont quand même importants. A chaque fois que je dispute un 500, cela m'enlève un résultat. Je ne l'avais pas bien compris comme ça en début de saison. Aujourd'hui, si je joue un 500, cela me retire 350 points. Si je suis en finale, je ne perds pas de points, mais je n'en prends pas. Si je ne joue pas, je garde mes points. Par exemple, à Rotterdam, en perdant au deuxième tour, j'ai perdu 250 points. Ce n'est pas pareil du tout. A l'arrivée, j'ai joué le 500 Dubaï qui est important et le 250 de Marseille, c'est en France, j'ai envie de bien jouer. J'ai tout donné à chaque fois.


«Je peux enfin servir fort comme je veux»


Avec votre nouveau statut de Top 10, jouez-vous davantage pour ne pas perdre que pour gagner ? Avez-vous perdu une part d'insouciance ?
C'est toujours différent. On a toujours envie de bien faire, d'aller loin. Quand cela ne se passe pas comme on veut, c'est là où on se met à reculer. Maintenant je pense que j'ai des choses qui s'améliorent. C'est difficile car il n'y a jamais un écart significatif. Je veux progresser au service. En ce moment, je sers beaucoup mieux. Je n'ai plus mal au bras - ce mal de bras qui m'a gonflé pendant deux mois - je peux enfin servir fort comme je veux et j'ai réussi à faire des matches où j'étais performant sur ma première balle. Mais demain, je ne vais pas me lever et servir comme Roddick à 180 km/h sur la seconde. Chaque année en fin de saison, je me rends compte en regardant les statistiques que j'ai mis 10% de plus d'aces, que j'ai passé un meilleur pourcentage de premières balles même s'il est souvent très bas. Par exemple, je sais que j'ai réussi à être plus percutant sur ma première balle. Dans les statistiques, j'étais dans les dix premiers sur les points gagnés sur premières balles (Ndlr : 10e avec 76% sur 21 tournois, 1er Ivo Karlovic avec 85% sur 12 tournois et 2e Jo-Wilfried Tsonga avec 81% sur 28 tournois). Quand ma première passe, j'arrive donc à être plus percutant. Quand cela revient, je me montre plus offensif. Maintenant il faut que j'en passe davantage (Ndlr : 56% de premières balles en moyenne sur 21 tournois), il y a toujours des trucs à travailler.
Cela rassure de regarder les statistiques car les sensations peuvent être trompeuses ?
Ce n'est pas qu'elles rassurent. Parfois, elles surprennent. J'ai regardé à Miami et j'ai été surpris d'être dans les dix meilleurs parce que je n'étais jamais dans aucune stat du service. Je me dis que je gagne trois points sur quatre quand ma première balle passe, c'est un bon indicateur. Je pense servir beaucoup moins bien que certains et dans les faits, je ne sers peut-être pas moins bien.


«Je n'ai pas l'habitude de me cacher »


Avec le recul, faites-vous la même analyse sur vos matches en Coupe Davis ?
Oui. C'était un moment où je jouais très défensif sur les tournois précédents à Marseille et à Dubaï. J'ai réalisé un match dans la lignée de ce que j'avais fait. J'aurais pu gagner le premier match contre Berdych, mais il a manqué quelques points. Je ne pense pas que c'était des mauvais matches. Sur un match comme ça, si je gagne le premier tie-break puis je gagne le deuxième set (6-4) et finalement je remporte le match en trois sets, on va me dire que "j'ai fait un match super". Ce qui n'a clairement pas été bon sur ces matches, c'est que je n'ai gagné aucun moment clé. Quand on perd quatre tie-breaks, ce n'est pas un hasard. C'est sûrement le contexte, l'enjeu et j'étais aussi dans l'incapacité de produire quelque chose. Soit le mec ratait, soit il me plantait quatre aces. J'étais à la merci de mon adversaire.
Mais vous avez plutôt bien réagi. Certains joueurs s'effondrent après ce genre d'expérience en Coupe Davis.
C'est difficile, mais je n'ai jamais l'habitude de me cacher. Je sais que j'ai ma part de responsabilités dans la défaite de l'équipe, cela me fout une paire de boules. Quand j'y repense, j'ai encore une paire de boules. Pour autant, cela ne va pas m'empêcher de jouer mes matches. Après la rencontre, je suis passé à autre chose, je ne vais pas dramatiser pendant six mois. La prochaine fois que ce sera difficile, ce passera si je dois rejouer. La déception doit être plus facile pour moi que pour les autres. Je le vis dans ce sens-là. On est cinq joueurs là-bas, on a les boules d'avoir perdu, mais je trouve que c'est plus facile pour moi car c'est moi qui ai perdu. C'est ma déception. Ce qui me fait beaucoup de peine, c'est d'empêcher les autres d'avoir un deuxième tour à jouer. C'est ça qui est très difficile. J'ai joué, j'ai perdu deux matches. Je ne peux pas dire que c'est la faute du double. Ce qui me fait de la peine, c'est d'empêcher l'aventure de continuer. Sur les tournois suivants, je ne vais pas mourir. Quand on joue au tennis, il y a forcément des mecs qui perdent. »

«La saison sur terre battue arrive. L'an dernier, vous n'avez pas obtenu des résultats à la hauteur de votre saison sur cette surface. Comment l'expliquez-vous ?
L'an dernier, j'ai connu une période de terre très difficile et très frustrante. J'ai commencé par un abandon à Estoril en me bloquant le dos. J'avais essayé de jouer à Monte-Carlo, mais je n'étais pas du tout en état, j'avais pris 6-1, 6-1 (Ndlr : contre l'Espagnol Ruben Ramirez Hidalgo, issu des qualifications). Je m'étais reposé, je n'avais pas joué à Munich, j'avais repris trois jours avant de disputer Rome, j'avais joué contre Jo (Ndlr : Tsonga). On avait repris ensemble, je gagne 7-6 au troisième set et je perds le match suivant parce que je suis à court de forme. J'ai connu une saison très courte de terre. C'était mitigé. J'ai gagné le tournoi de Casablanca, mais je l'ai payé cash en perdant à Roland-Garros contre Stepanek qui avait très bien joué. Cela m'avait laissé sur ma faim, c'est d'ailleurs pour ça que j'avais voulu retourner à Bucarest en fin de saison (Ndlr : du 8 au 14 septembre, victoire en finale contre Carlos Moya). J'ai conquis deux titres sur terre l'an dernier, mais c'était une saison très hachée, pas satisfaisante.
Estimez-vous être un joueur de terre ?
C'est la surface que je préfère. De loin. Quand je me sens bien, c'est la surface où je me sens le plus fort.
Pourquoi ? Vous sentez-vous 'indébordable" ?
Je me sens difficile à déborder et le service a beaucoup moins d'importance. Quand je me sens bien, je cours bien, je tape bien, je me dis que mon adversaire ne va pas pouvoir s'en sortir en me mettant que des aces. C'est aussi une surface qui peut être terrible quand on ne se sent pas bien car c'est dur de faire des points.
Avez-vous plus de pression à Roland-Garros ?
Oui. Comme à Bercy. C'est l'envie de bien faire. Ce n'est pas du tout l'attente du public ou des médias, je m'en fous. C'est mon attente. J'ai envie de bien jouer. C'est la pression que je me mets. On a l'habitude d'être attendu. Ce n'est pas l'attente extérieure qui me fait réfléchir. Parfois on m'attend à un endroit où je n'ai pas d'objectif majeur. Je pense à Sydney où j'ai joué contre Richard (Ndlr : Gasquet, défaite 6-4, 6-4). Sur ce match, j'ai dit que j'allais essayer de jouer en avançant. On m'a dit c'est un match contre Richard, etc. Je m'en fous, c'est Sydney. A Roland, quand tu es 100e et que tu es dans le tableau, tu as quinze Français devant toi, tu sais que personne ne t'attend. Si tu joue bien, les gens sont contents. Mais si tu perds, il s'attendait à ce que tu perdes. Pour autant, avant le match, tu transpires, tu as envie de bien jouer parce que c'est un truc qui te tient à coeur. Ce qui peut m'aider ici par rapport à Bercy, ce sont les cinq sets, c'est plus long, j'ai plus de temps.»

 

Sophie Dorgan, lequipe.fr

Publié dans Interviews

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