Simon n’en sort pas - avril 2010

Publié le par Françoise

Fissure.jpgDe nouveau contraint au repos par sa blessure récurrente au genou, le Français ne jouera sans doute pas Roland-Garros.

29 MAI 2009 : au soir d’une défaite au troisième tour de Roland-Garros, Gilles Simon, alors numéro 1 français, grimace. Au goût amer de l’échec face au Roumain Hanescu s’est ajouté celui d’une blessure au genou droit, bloqué par une violente torsion. Dix mois plus tard, le mal est toujours là et le joueur, 26e mondial, au point mort.
QUE LUI ARRIVE-T-IL... ENCORE ? – Rien de nouveau sous le soleil : c’est toujours ce sempiternel genou droit. Victime d’une lésion du tendon sous-rotulien sur la terre battue de la Porte-d’Auteuil, Gilles Simon traîne depuis sa misère. Il coupe, il reprend, il se blesse, il coupe, il reprend, etc. À nouveau blessé il y a deux semaines à Miami, le Français est sorti des examens quelque peu abattu. « Depuis le début de l’histoire, c’est la première fois que j’ai aggravé la blessure en jouant », précise-t-il. L’IRM a montré une fissure de 5 millimètres. « Un truc de fou, reprend-il. C’est juste un point hyper localisé, sur la rotule. Autour, aucune douleur. Mais dès qu’on appuie dessus, ça fait très mal. Et ça suffit pour m’empêcher de jouer. » À Miami, Simon se posait une (bonne) question : « Il y a quelque chose que l’on n’a pas encore identifié : qu’est-ce qui déclenche ce truc qui fait si mal ? » Hélas (ou tant mieux !), les examens n’ont rien révélé d’anormal. Simon souffre de son genou et de rien d’autre.
QUELLES EN SONT LES CONSÉQUENCES ? – Certaines d’entre elles sont mesurables. Simon s’est d’ores et déjà prescrit un minimum de quatre semaines d’arrêt, un délai incompressible pour que la cicatrisation s’effectue dans de bonnes conditions. Mais il peut aller jusqu’à six semaines… soit précisément le temps qui le sépare de Roland-Garros. À moins d’un miracle, il ne disputera pas les prochains Internationaux de France. « On est le 7 avril, Roland commence le 23 mai, je vous laisse faire le calcul, glisse-t-il. Je ne me suis pas encore retiré du tournoi mais mes chances de le disputer sont infimes. » Forfait pour la saison de terre battue, très probablement absent des réjouissances de la Porte-d’Auteuil, Simon devrait perdre entre 250 et 300 points ATP. Ce qui l’éjecterait du top 30 (mais pas au-delà). « En début d’année, le classement était dans un coin de ma tête, admet-il. Je voulais repartir à un rang convenable. Mais, vu les circonstances, je recule de semaine en semaine. Donc, le classement est de moins en moins une priorité. » Simon va désormais s’astreindre à un protocole qu’il connaît par cœur : repos complet (chez lui, à Neuchâtel), IRM, reprise des soins, IRM, retour sur le court.
A-T-IL COMMIS UNE ERREUR ? – Oui, sans le moindre doute. Simon est en fait victime de son impatience. Depuis qu’il connaît la nature exacte de son mal, il n’a jamais attendu que la fissure disparaisse complètement pour reprendre l’entraînement. Lorsqu’il retrouve le chemin des courts, le 1er janvier, la lésion est encore de six millimètres. Mais la douleur a disparu : va pour l’Open d’Australie, qui démarre dix-sept jours plus tard. Erreur majeure : dès l’exhibition d’Adelaïde, qui précède le tournoi, il comprend qu’il doit renoncer. Rebelote, en moins casse-gueule, début février : il ne s’arrête que deux semaines avant de reprendre (en douceur) au CNE. Là encore, il confond disparition de la douleur et cicatrisation. Juste avant Miami, il dispute le Challenger de Sunrise (dont il atteindra la finale). « J’ai joué deux matches à fond, contre Richard (Gasquet) et contre Starace ; ces deux matches ont suffi à me reblesser », admit-il hier. Dès son quart de finale, Simon entre donc sur le court en souffrant du genou. Une réalité en totale contradiction avec le principe qu’il avait lui-même édicté en début d’année : renoncer dès que la douleur apparaît. « L’Australie m’a fait perdre deux semaines, dit-il. Je me suis fait un petit plaisir, j’avais envie de prendre le soleil… Mais, la deuxième fois, il fallait reprendre. Avec le recul, évidemment, c’est facile de dire que j’aurais dû zapper l’Australie et la tournée américaine. » Sans le recul, le sens de la mesure aurait pu l’amener aux mêmes conclusions.
VINCENT COGNET


Escudé : « Gare à la spirale »
AUJOURD’HUI capitaine de Fed Cup, Nicolas Escudé a connu des blessures à répétition qu’il n’a pas toujours bien gérées : « Ma seule expérience de reprise trop précoce remonte à 2002. Je m’étais fait une petite déchirure aux abdominaux au milieu de la saison sur terre battue. J’avais quand même joué Roland-Garros en étant diminué, ce que je n’aurais pas dû faire. Contre l’avis du doc, j’ai enchaîné avec Wimbledon, car c’étaient mes plus belles années et je savais que je pouvais y faire de grands trucs (il restait sur un quart de finale en 2001). Du coup, j’ai joué sous infiltration : tous les matins, le doc prenait l’Eurostar pour venir m’infiltrer ! Résultat, j’ai passé deux tours mais je me suis retrouvé avec une déchirure de 4 cm et l’obligation d’arrêter pendant trois mois. Après ça, je n’ai plus jamais joué sans être à 100 %. Pour revenir à Gilles, il s’est fait mal dès son deuxième match à Sunrise mais il a continué jusqu’en finale. Or, quand on a son niveau, on vise les grands objectifs : les Grands Chelems, les Masters 1000 et la Coupe Davis. Pas une victoire dans un Challenger… Jouer en étant blessé ne peut que nourrir des frustrations : on se dit qu’on pourrait faire tellement mieux si on était au maximum. Ça engendre un gros manque de productivité ; on ne peut pas s’entraîner correctement, on n’est plus compétitif en match et du coup, gare à la spirale, avec perte de confiance, etc. Malheureusement, on ne prend conscience de tout ça qu’après avoir eu une mauvaise expérience comme la mienne… » – R. L.

 

Di Pasquale : « L’outil de travail, c’est le corps »
COORDONNATEUR du haut niveau masculin, Arnaud Di Pasquale, longtemps blessé au dos, sait combien il est risqué de reprendre trop tôt après une blessure : « Il n’y a pas même à tergiverser : tu reviens sur le circuit quand tu n’as plus rien. Point final. On n’a pas le droit de prendre le moindre risque tant que l’IRM montre quelque chose. Là, on ne parle pas de joueurs de club, on parle du plus haut niveau ! Les pressions pour reprendre plus tôt existent, c’est clair. Mais c’est le rôle de l’entraîneur et de l’entourage de freiner ces ardeurs. Ne jamais oublier que, pour le sportif de haut niveau, l’outil de travail, c’est le corps. En plus, je trouve qu’il existe un autre danger, plus insidieux. En perdant tous ces matches de reprise et en évoluant loin de son meilleur niveau, Gilles a écorné son image auprès de ses adversaires, qui le voyaient comme un mec qui ne perdait jamais en dessous d’un certain classement. Le risque existe qu’il ait perdu en quelques semaines ce qu’il avait mis des années à façonner. » – V. C.

 

L'Equipe, 8 avril 2010

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